Le Camino à l'espagnole

Publié le par Le Baroudeur

Me voilà de retour à Melle, ce samedi 02 juin, après une absence de quelques jours pour rencontrer mon petit-fils, Matiu, né le 29 mai. C’est l’évènement le plus important pour ma famille, pour l’année 2007, et plus précisément il me remplit d’orgueil et  de joie.

Parcourir le chemin de saint Jacques représente quant à présent la réalisation d’ un projet personnel, sans recherche d’un gain particulier. Mais, le souci de provoquer le rappel de mon souvenir à ceux qui me sont proches, si tant est qu’il faille entreprendre des actions hors du commun ou inhabituelles pour rester dans le cœur de ceux qu’on aime, constitue une de mes réflexions le long de mon cheminement. Les parents cherchent toujours à ce que leurs enfants soient fiers d’eux, et plus encore leurs descendants, alors pourquoi ne pas avouer que cette prescription constitue une autre motivation à mon pèlerinage ????

Chaque jour révèle ses surprises, issues pour la plupart des capacités de réflexion du marcheur. Matiu s’est intégré dans le processus de fonctionnement de son grand père, qui chaque jour a une pensée pour lui comme pour les autres membres de la famille. Il en constitue avec les autres le moteur qui me sort de mon isolement, avec la capacité de rejeter tout ce qui est négatif ou peut constituer un frein ou un obstacle à la bonne marche des évènements, à l’entreprise de ses parents, qui méritent de constituer une famille heureuse autour de leur enfant.

L’isolement tend à donner la réelle valeur aux choses, aux évènements, ainsi qu’aux circonstances de la vie. D’abord, l’unité de temps est importante, puisqu’on ne peut réfléchir au-delà de 24h00. Chaque jour ne ressemble pas au suivant ni au précédent, et ce qui paraissait comme acquis, se trouve nettement modifié, voire une solution apparaît au dernier moment qui annule les craintes antérieures. 

Aussi, ce qui apparaît le plus durable et former les bases de l’édifice de la démarche, ce sont les éléments de détermination, les certitudes propres aux personnes, aux idées et à la croyance. Le reste constitue un ensemble d’éléments lié à l’environnement qui, comme les nouvelles du monde extérieur, sont amenés à changer.

Dernier point, en se rapprochant des éléments de la terre, et de ses agents qui y travaillent, la notion d’agressivité perd de son fondement et de sa valeur. Si les rapports humains ne sont pas essentiels voir recherchés, ils n’en constituent pas moins l’objectif de la marche, vers les êtres, les gens. Le pèlerin est vite amené à idéaliser, à humaniser tout type de rapport : il recherche la communication et ne comprend pas les obstacles qui se dressent sur cette route de bons rapports entre les êtres.

Aussi, je ne doute pas de la franchise de Catherine TEXIER, l’adjointe au maire de Melle, qui dès mon retour, m’accueille dans sa maison et m’installe à table, devant un repas complet. Heureuse pour moi de ma nouvelle condition de grand père, elle se renseigne comme une amie des conditions de la naissance de Matiu, pour enchaîner sur la présentation de sa famille, et précisément de sa fille Emmanuelle, qui rencontre de nombreuses difficultés de comportement. Elle a été amenée dernièrement a demandé le placement volontaire de sa fille dans une clinique spécialisée, pour troubles psychiatriques.

Ce soir là, je n’ai pas eu l’occasion de me retirer dans mon gîte, car la venue d’ Isabelle, la pèlerine de Nantes,rencontrée plus haut, et notre dîner chez Catherine a surpris tout ce monde. La voisine en a profité pour nous demander de remettre les lourdes grilles de son jardin sur les murs porteurs. Il est à noter que c’est dans ce jardin que la candidate Royale avait tenu une conférence de presse lors des élections présidentielles.

Le lendemain, le dimanche 03 juin, je prends la route dès 7h30 pour joindre Aulnay de Saintonge, distant de 35 km. Peu de temps après mon départ, le téléphone portable sonne pour m’apprendre qu’Emmanuelle se trouvait au CHU de Poitiers, après un grave accident dans la nuit. Elle avait manifestement profité de la vie cette nuit là et particulièrement abusé de la boisson, cause de son accident. Elle se trouvait dans le coma. Je promis à Catherine d’avoir une pensée particulière chaque matin pour sa fille.

Cet épisode de mon projet  est important, car elle montre la disponibilité d’esprit du randonneur, qui après avoir évacué tous les thèmes de réflexion secondaires est disponible pour les autres et prêt participer à leurs peines et leur joie. La capacité d’écoute est  importante, mais n’engage pas l’individu dans les cas d’espèce, hormis le soutien qu’il peut apporter. C’est certes un handicap pour qui a besoin d’autre type d’aide, mais le pèlerin constitue un confort à la réflexion afin de conduire l’autre à prendre ses décisions, et non une aide matérielle. Il est ressenti par beaucoup comme un ami mais non comme un partenaire. Le mari de Catherine est plus apte à tenir ce poste ainsi que les autres membres de sa famille.

Après un parcours sous une forte chaleur, je débouche à Aulnay en Saintonge sur une place vide de monde. La Halte jacquaire est tenue par une famille d’anciens bouchers qui s’occupe de l’entretien de l’église. Le donjon de l’ancienne forteresse est le seul monument certifié.

Le lundi 04 juin, je parcours 26 Km pour rejoindre St Jean d’Angély, avec un temps au beau fixe, un très beau soleil. Je traverse des champs de blé et de seigle, de maïs et les premières vignes.

A partir de Villedieu, commence le chemin de saint Jacques de Compostelle, balisé par le conseil général de Charente maritime. Des bornes de direction en béton, portant coquille et flèche de direction sont positionnées aux intersections et endroits difficiles de l’itinéraire jacquaire. Elles sont connues des gens du pays, qui sont capables de réorienter les marcheurs. Elles sont souvent conjointes au marquage du GR 655 ou à d’autres, ce qui complique la marche.

Aux abords  de Saintes, je côtoie un camp de gens du voyage, avant de descendre sur la ville, où je suis attentif à une stèle placée devant  la caserne désaffectée d’un régiment militaire, portant sur le départ des traversées du Sahara en 1922, de la « croisière noire », expédition en Afrique, en 1924puis de « la croisière jaune », en Asie, en 1931, organisées par l’enfant du pays, Louis Audonin DUBREUIL (1887/1960), dans le but de promouvoir la marque de voiture Citroën.  Je me rends au bureau du centre communal d’action social, et rencontre Mme Gobereau, qui se rappelant mon appel du mois d’Avril, me délivre avec gentillesse, un bon pur une chambre à l’hôtel de la paix, avec petit déjeuner.

Par la suite, je visite la ville et particulièrement le centre de culture européenne situé dans l’abbaye royale, et les deux tours de la cathédrale, puis les jardins qui donnent sur le canal St Eutrope.

Le 30 juin, je quittais St Jean d’Angély par le canal St Eutrope, pour rejoindre 39 Km plus loin, l’église St Eutrope, à Saintes. Dès le matin, une brume ouatait les vignes et les premiers champs de maïs, à laquelle succédait rapidement un fort soleil. Je traversais les villages de « les églises d’Argenteuil », du Drouet, de Mazerolles et de Belluires où je ne manquais pas d’en visiter les églises romanes remarquables.

Parti du pays de Boutonne, je passais par celui situé entre Boutonne et Charente, pour atteindre celui de Saintes où les vignes foisonnent. De fait, au cœur du vignoble de Cognac, et du Pineau, la route est jalonnée de panneaux publicitaires des marques locales.

J’avançais par des routes départementales, qui semblaient déboucher sur des champs et des forêts où je rencontrerais de la fraîcheur. Malheureusement, le soleil frappait de plus en plus fort, et aucune trace d’ombre ne se présentait, d’autant que je me trompais fréquemment de direction. Aussi, à 13h00, je me résolu à demander de l’aide à une ferme, où je trouvais les occupant en train de déjeuner dans le jardin. Je n’ai pas semblé perturber ce repas dominical, car la maîtresse de maison, mon troubler de ma présence et de mon accoutrement, m’a invité à déjeuner, puis satisfait à mes demandes. Je ne m’étais pas perdu, mais le marquage est tellement distant que le sentiment d’isolement vient vite et la crainte de se perdre aussi. Elle me remis sur le droit chemin avec gentillesse.

Sur le pont SNCF, un panneau informait le voyageur qu’une Halte Jacquaire située à l’église St Eutrope l’attendait. Après avoir traversé la ville dans son entier, je rencontrais Jacqueline COLSON, présidente de l’association des amis de St Jacques. Ayant déjà entrepris le pèlerinage à St Jacques plusieurs fois, son accueil a été chaleureux et enthousiaste. Après mon installation, je visitais un instant la ville. Alors que je devais demeurer deux nuits à Saintes, je la quittais le lendemain matin dès 7h00, et me dirigeais vers Pons, distant de 22 Km Comme à l’accoutumée, je fis le plus gros du chemin le matin, afin d’éviter les chaleurs, et arrivais à destination à 12h40. L’office du tourisme étant fermé, j’exposais les pansements de mes pieds dans le seul endroit frais du quartier, le hall d’honneur de la mairie, au grand reproche muet du conciliateur qui venait à sa permanence.

Après la ratification du crédencial par l’agent de l’office du tourisme, je m’installais dans le gîte de l’ancien hospice des pèlerins, éloigné du centre ville. En chemin, je saluais les statues de taille humaine, érigées par la commune au point de départ du chemin de St Jacques, sur le rond point. L’un des pèlerins représentés désigne aux autres la direction à prendre, qui sera celle de tous les marcheurs quittant Saintes.

Situé dans un bâtiment du l’ancien hôpital des pèlerins, le gîte est spacieux, en parfait état, très propre, doté de tout le nécessaire pour cuisiner, et surtout j’en étais le seul occupant.

Le 07 juin, de bon matin, je franchis la porte rénovée de l’hospice des pèlerins, et entreprenais une marche de 39 Km pour atteindre Mirambeau. Le temps chaud et orageux avait succédé à la chaleur caniculaire, et rendait la marche avec sac à dos pénible. Le paysage se modifiait à vue d’œil. De quelques champs de maïs et de vignes éparses, l’horizon se verdissait d’étendues de maïs et de vignes. La luminosité se reflétait sur la cilice des chemins, et le bitume chauffait les semelles. C’est avec soulagement que je gagnais le camping Le Carrelet, à l’entrée de Mirambeau dans lequel était réservé un mobil homme pour les pèlerins. Je fis alors avec le confort que l’on me proposait. Le contact avec les caravaniers fut plus  direct, plus chaleureux et intéressé par mon état de marcheur.

C’est à Mirambeau que finit le topo guide de la fédération française de randonnée pédestre, et je le laissais sur place, ne m’étant plus d’aucune utilité.

Le 08 juin, dès 7h30, je traversais Mirambeau pour parcourir les 30 Km qui me séparaient de Blaye, la clef du Médoc. En chemin, j’ai pris contact avec Mme DESFOSSE, chargé du gîte de St martin Dacaussade,  distant de 3 Km de Blaye. Mon avancée a été largement facilitée par une piste cyclable parallèle à la Nationale 10, qui joint Etaulier à Blaye. C’est une piste ombragée, aménagée sur une ancienne voie ferrée, qui traverse en exposant au soleil, des champs entiers de maïs et de vigne, des côtes de Blaye.

Alors que je déjeunais dans le jardin ouvert d’une propriété privée à Etaulier, une famille de riverains a gentiment participé, à mon repas en m’offrant des fruits et de la boisson à profusion, en m’encourageant et s’enquérant de ma fatigue. Le couple était habitué à porter un intérêt appuyé aux pèlerins auxquels il apportait son soutien matériel sans retour.

Arrivé à St Martin Dacaussade, je fus accueilli par Mme DESFOSSE, qui m’installa au gîte communal du village. Pourvu de tout le confort, il assure une parfaite indépendance, malgré le manque de commerce dans le village. C’est à un bar alimentation que je me fournis en nécessaire. J’en profite pour faire une lessive qui sèche rapidement au soleil.

A matin, je file vers Blaye en empruntant le restant de la piste cyclable. Je visite à mon arrivée la citadelle de Vauban, encore habitée, et qui surplombe la Gironde, ainsi que la seule rue qui mène au port, et où s’installe le marché. Je profite du délai d’attente pour le prochain bac, fixé à 9h00, pour renforcer ma réserve de pansements pour mes ampoules, boire un grand crème, et de rechercher sans succès un topo guide sur les chemins permettant la traversée du médoc, jusqu’à Saint Jean Pied de Port.

A 9h00, le bac quitte le quai pour Lamarcq, située de l’autre bord de l’estuaire. Ce passage était  très redouté par les jacquets du moyen âge, qui se faisaient facilement détrousser, jeter à l’eau ou tuer par les passeurs et leurs acolytes. Aujourd’hui, le passage est sûr, sympa quand le temps s’y prête, et le jacquaires attire l’attention des passagers.

De Lamarcq, 37 Km m’attendent de champs de vignes, sous un soleil de plomb. La fraîcheur est déjà passé et autre difficulté, aucun balisage n’aide le voyageur, si ce ne sont des indications de villages, de « châteaux ». C’est avec beaucoup de difficulté, de fatigue et de lassitude que j’atteins St Aubin de médoc, où aucune possibilité de logement ne s’offre à moi. Quand un dépanneur, futur jacquaire, propose de me conduire à St Martin de Médoc, où se trouve la Cure. C’est une ville moyenne, proche de Lacanau, et de ses plages, donc grouillante de touristes. 0 la paroisse, mon cas gêne les dames paroissiales, qui toutefois s’y intéressent durement, et finissent par me faire héberger à St Aubin de Médoc dans la maison de Mme CARDINAL. Marie Christine est veuve, et d’un âge avancé. Elle vit au quotidien avec le souvenir de la disparition de son jeune fils à l’âge de 23 ans et de celle de son mari, garde champêtre, très apprécié à la mairie de St Aubin. Cet homme a porté un intérêt soutenu aux conditions de vie des travailleurs agricoles, dans le cadre de l’activité syndicale. Il a été à l’origine d’une meilleure reconnaissance de leurs conditions de travail, mais aussi de leur hébergement. Il leur a fait attribuer des maisons individuelles, dont on peut apprécier la qualité à proximité des grandes exploitations vinicoles. En effet, ce sont les seules bâtisses localisées dans les champs, hormis les « châteaux », évidemment….

Le repas est simple mais la demande en écoute est très importante, après l’avoir assuré sur ma personne. Le lendemain dimanche, j’accepte de l’accompagner à l’office, de 10h00, où elle me présente à toutes ses connaissances. A l’issue, je me mets en marche vers Martignas Sur Jalle, Jalle voulant signifier »un ruisseau », distant de 13 Km, où je logerais à l’hôtel.

Le lundi 11 juin, à 9h00, je me dirige vers Le Barp, distant de 31 Km. Je pénètre carrément dans la forêt landaise avec interminables sentiers de sable, et Nationale 10 qui sectionne l’ensemble. Ma méconnaissance du terrain, mon manque de cartes IGN et surtout l’utilisation du seul guide disponible le « Lepère », me rabattent sur la Nat 10 et ses dangers. Mon moral en prend un coup, au fur et à mesure de la douleur croissante  résultant de mes ampoules et de mes articulations. Arrivé au Barp à 14h30, la mairie de donne l’accès au gîte communal. A remarquer que dès cette étape, la majorité des mairies n’ouvre qu’à partir de 14h00, voir sont fermées les mercredi et/ou lundi après midi. Je suis rejoins au gîte par un autre pèlerin, un espagnol, âgé de 59 ans, et originaire de Barcelone. Parti de Tours il avait auparavant visité les quatre cathédrales emblématiques de l’Ile de France : Reims, Amiens, Notre Dame de Paris, Chartres, et effectuais la partie française du chemin de St Jacques, ayant déjà cheminé sur les chemins du Puy en Velay, de Vézelay, d’Arles, et joint Rome à pied. Il connaît toutes les subtilités du camino françes, qu’il se fait un devoir de m’enseigner. Son seul défaut est de parler constamment pour pratique la langue française, et ne pas permettre ou très peu le contraire.

Le gîte est petit et il n’est guère possible de faire de la cuisine. Je m’y essaie quand même avec quelques résultats. Je passe une mauvaise nuit qui ne me repose pas. L’espagnol ronfle, et la lumière du jour puis de l’éclairage public frappe mon visage. Le matin le chant du coq annule ma tentative de me reposer. Aussi, à 6h20, sac bouclé, je prends la route que j’avais soin de copier sur le guide de l’espagnol.

Agréable itinéraire parmi les pins, pistes sablonneuses, mais calme infini, ponctué par le chant des oiseaux et l’observation des traces d’animaux dont les cervidés, laissées la nuit sur la sable des pistes.

Arrivé à Belin Beliet, l’adjoint au maire chargé de l’accueil des pèlerins, me procure une carte mise en forme par le Conseil Général des Landes, sur la traversée de ce département par les jacquaires. Je décidais de m’installer au gîte de Mons, afin de préparer mes prochaines étapes et de me refaire une santé. J’avais depuis le matin parcouru 21 Km, et le gîte de Mons est beau comme un centre de vacances. Ancienne bergerie rénovée par la mairie de Belin Beliet, il se situe à quelques mètres d’une église romane du 12èm Siècle. Le village de Mons a aujourd’hui disparu mais était important à l’époque des pèlerinages. Le mari de l’employée municipale chargé de la gestion du gîte se charge de me faire la visite commentée de l’église, avec ses deux absides accolées. Les tableaux en cours de restauration sont magnifiques, la présence d’une statue de st  Jacques sur pied, et de deux autels est caractéristique. A l’extérieur, il me fait remarquer la présence d’une pierre, posée sur le tranchant, au bas d’un mur de l’église. Il me raconte que les ouvriers chargés de la restauration, avaient déplacé cette pierre gênante et qu’à la suite, des fragments du mur ont commencés à tomber. Vite appelés à la rescousse, des ingénieurs du bâtiment ont relevé que cette pierre constituait une clef qui déviait l’eau d’un ruisseau qui passait par en dessous l’église…..

En vélo, dont le gîte était équipé, je gagnais par la route et chemins de pinède l’église du vieux Lugo, édifice emblématique du chemin de Saint Jacques, distant de 9 K, aller et retour.

A proximité du gîte coule la fontaine St Clair, qui, attire beaucoup de croyants, car dédiée à la vierge Marie.

Enfin, l’histoire ou la légende affirme qu’en ce lieu sont inhumés les preux compagnons de Roland, à leur retour  de Roncevaux. A proximité, pour marquer ce fait, une croix de plusieurs mètres de haut est érigée sur une stèle, au milieu d’une clairière.

Ce séjour à Mons a été une occasion de rompre avec la monotonie du voyage à pied, de faire le point et de reconstituer mon capital d’énergie pour les étapes suivantes.

D’ailleurs, le livre d’or relève le caractère paradisiaque de cette clairière.

A 6h30 le 12 juin, je prends le chemin pour Labouheyre, en passant par le Muret. Dès le début, je suis les indications me portant à emprunter des voies forestières, et qui m’amènent à me perdre en forêt, et à parcourir 6 Km en vain, sous une pluie battante. Obligé de marcher sur la Nat 10, je rejoins le Muret à 10h30, à l’entrée duquel  un panneau souhaite la bienvenue au pèlerin, dans le département des landes. A partir de Muret, un balisage spécifique allait me conduire jusqu’à Peyrehorade et Sorde l’Abbaye.  Le paysage se transforme en immensité de pin, fendues par des voies forestières de sable, interminables et monotones.  Grâce au balisage j’avance rapidement, sous un ciel bleu et un soleil redevenu ensoleillé. C’est harassé que je rejoins Labouheyre après 39 Km de marche. Malgré des erreurs de direction, dues à une incompréhension des textes du guide du conseil général.

A 19h00, m’attendaient Jacques et Jacqueline VALLERET dans leur maison dont une partie avait été transformée en gîte. Ils avaient l’intention d’effectuer le pèlerinage vers St Jacques, et en attendant, ils s’occupaient de l’hébergement et de la restauration des marcheurs, et pour Jacqueline de l’entretien du marquage de la partie du chemin situé entre Muret et Sorde l’Abbaye.

Je rencontrais deux autres pèlerins, dont Jorge, cycliste, avec qui j’avais déjeuné, devant l’église de Pissos, et mon espagnol prénommé Jean-José.

Concernant Pissos, devant son église se trouve une stèle qui indique la distance de 1000 Km distante des tours de la cathédrale de St Jacques de Compostelle.

Jacqueline a préparé le repas du soir constitué de soupe aux légumes, de poulet "basquaise", de gâteaux de maïs ou Millas, de Yaourt et de vin du pays de Chalosse. Nous faisons la vaisselle, et je me sauve rencontrer l’abbé BONNEHON Jean, (Bonnefontaine, en landais), en son presbytère. C’est un ami à Francis qui n’a pu me recevoir pour loger car en déménagement. En effet, la commune veut récupérer le presbytère et il a trouvé refuge chez Jacques et Jacqueline pour deux ans.

Après une excellente nuit, je pars le 13 juin acheter les croissants et baguettes pour le petit déjeuner, et déjeune avec l’ensemble. Les deux pèlerins partent de leur côté et moi je reste à discuter avec nos hôtes. Sur la route à 8h30, j’ai la surprise d’être héler par l’espagnol, qui avait pris du retard et qui ne devait pas me quitter jusqu’à St Palais. Mon avancée jusqu’à Honesse Laharie se résume en lignes droites, dans des forêts de pins, sur des chemins de landes ou de sable carrément, ou enfin de bitume au travers des champs de maïs.

Honesse Laharie nous accueille à 13h00, et après avoir fait ratifier mon crédencial à la mairie, le camping " Le Bienvenue" nous accueille et met à notre disposition un mobil home équipé de tout le confort. L’après midi se passe en lessive, recherche d’une alimentation, d’une pharmacie pour mes pansements, visite de l’église caractéristique du chemin de St Jacques, et discussion avec la gardienne du camping.

Après discussion avec mon espagnol, sur la suite de l’itinéraire après l’étape de Dax, je décide de na pas poursuivre sur Sorde l’Abbaye, à contre cœur, mais par Peyrehorade, ce qui me ferait arriver à St palais en bon état physique.

Le 14 juin, j’arrive à Taller après a 24 Km de marche qui m’ont fait ressentir une fatigue physique et nerveuse importante. Le nuit dernière avait été presque blanche, et malgré l’absence de contrariété, j’avais laissé filer le sommeil, signe d’épuisement nerveux : donc prudence.

Sur le chemin, je rencontre beaucoup de cyclistes qui vont vers St Jacques : de Hollandais lourdement chargés, mais libres de leurs mouvements. On ne les rencontre qu’une seule fois, car ils parcourent en moyenne et quotidiennement près de 100 Km. En sortant de Lesperon, j’ai été surpris de me trouver face à face avec l’un d’entre eux qui avait logé avec moi à l’auberge de jeunesse de Chartres le 12 mai. Il revenait de St Jacques après avoir parcouru près de 4 400 Km en vélo, depuis son départ le 28 avril. Un second cycliste, français, celui-là, me prévenais qu’à St Jean Pied de Port, 380 pèlerins attendaient quotidiennement d’être logés et nourris.

Malgré l’excellent balisage du Conseil Général, j’ai trouvé le moyen de me tromper de chemin avant Taller. Qu’importe, l’important est d’arriver. Dans ce village, le propriétaire du café alimentation détient la clef de la salle des fêtes mise à disposition des pèlerins. Le repas sera servi exceptionnellement par la patronne du bar le soir.

Ce village a vu s’élever un hôpital pour pèlerins, ainsi qu’une chapelle qui le classent dans les étapes du pèlerinage de la voie Turonensis. L’histoire de Taller fait la part à la présence des vikings qui faisaient régner la terreur dans les villages alentours. Louis IX en a eu assez et il a mis fin à ces exactions, dans un champ à proximité de taller. Sur cet endroit a été dressé un hôpital et une église. Ces deux édifices ont à présents disparus, mais, en quittant le village,  j’ai été étonné de constater, clouée à la porte d’une grange, un bouclier viking original, qui montrait un drakkar et des hommes à la manœuvre.  Une infirmière qui passait par là m’a précisé qu’un habitant de taller était spécialiste de son histoire, et que bien que disparu dernièrement, un successeur reprenait son ouvrage. Ce qui est rassurant est de ne pas voir disparaître cette culture  locale, dans un quelconque musée de Dax.

Concernant Jean José, il m’appelle « monsieur », et ne m’a jamais demandé mon prénom. Il montre un besoin résistible d’expliquer les choses et les évènements, et pose beaucoup de questions en français, sur la religion, la politique, la littérature et l’histoire, même française. Tout est l’occasion à exposer ses idées en français, qui dénote à la réflexion une grande curiosité, et une bonne culture générale. Sur lui-même, il ne se livre pas et n’exige à quiconque de le faire. Notre collaboration jusqu’à St palais provient de sa réflexion, alors que j’étais décidé à le quitter pour passer par Sorde l’Abbaye.

Me concernant, je m’exerce à la formulation de questions de base en espagnol, et profite pour me faire préciser des tournures de phrases, ou les origines des mots employés. Je n’ai pas le sentiment de ridicule, et j’ai la surprise d’avoir en retour des réponses à mes questions idiotes.

Demain 15 juin, je serais à Dax après une marche de 25 Km. L’étape est très intéressante au regard des magnifiques paysages qui annoncent les Pyrénées, dont la région sud de Dax, la Chalosse, de prairies, de vignes, de champs de maïs et de canards.

En chemin, je traverse d’innombrables voies d’eau souvent claire, issue des champs de maïs et de vignes.

L’arrivée à Dax n’est pas facile, car elle ressemble à peu près aux banlieues urbaines annonciatrices des centres villes. Ainsi, St Paul les Dax, de village de banlieue, est passée ville importante. L’Adour, seul les sépare. Passage obligé au syndicat d’initiative, je visite la cathédrale et trempe mes mains dans la fontaine d’eau sulfureuse à la température de 60°.

Je visite le centre ville très populeux cet après midi de chaleur, et me dirige vers le centre Larrayade. L’endroit est verdoyant, aéré, accueillant et pas cher. C’est un ancien séminaire, transformé en lieu ouvert sur la communication et l’accueil des pèlerins de St Jacques. Je dispose d’une chambre à deux lits dite « confort », avec WC et douche inclus. Mais le site est excentré, et je dois me contenter d’un sandwich et d’une bière pris dans le seul bar ouvert, en guise de souper.

Le dimanche 17 juin, dès 7h30, je quitte Larrayade pour Peyrehorade, sous une pluie battante, et la cape ruisselle autant dessus qu’à l’intérieur tant il fait lourd. J’avais écarté le projet de me rendre à Sorde l’Abbaye, parce que ce lieu ne se situait pas sur le chemin Turonensis, mais le sort allait en décider autrement.

Arrivée à Peyrehorade, à 11h00, après recherche et contact pris auprès du prêtre qui officiait à l’église du village, aucun possibilité d’hébergement ni de restauration n’était offerte sur place. Le temps pluvieux ne se prêtant pas à la promenade, je décide de me rendre à Sorde l’Abbaye, distant de 5 Km, ù m’attendait un gîte avec tout confort et un accueil digne d’un pèlerin. 

Trempé, j’aborde Sorde, en désespoir de cause car seul endroit de repos et de repas possible. Michel, le gardien des clefs du gîte me reçoit avec chaleur, et générosité. Il m’offre 4 œufs, du pain, du beurre et des pâtes pour constituer mon repas de 15h00, et le soir, je soupe dans l’auberge du village, d’un repas pèlerin. Nous sommes seuls pour l’instant, mais deux cyclistes belges vont nous rejoindre dans la soirée.

Deux étapes nous séparent de st palais, et déjà je ressens le caractère particulier de l’espagnol.  Etouffant dans ses rapports avec autrui, il devient vite dirigiste voir intolérant, exigeant toute l’attention de son interlocuteur, sous le prétexte qu’il a des difficultés à correspondre en français et à faire entendre ses idées. Par la suite, il s’est appesanti sur le manque de communicabilité des français qui ne veulent pas faire d’effort pour apprendre l’espagnol, ni essayés de parler espagnol dans leurs rapports avec les gens de ce pays. Pourquoi les français disent-ils « bonjour- bonsoir » et non l’équivalent en espagnol ? Ce qui est d’après lui une marque d’impolitesse voir d’irrespect et de dédain. Aussi, quand je lui réponds rapidement sans avoir bien compris sa question, il juge cela inconvenant et il s’irrite.

Aussi, je marche devant ne lui adressant que peu la parole, ou simplement lui pose une question de culture générale, dans l’explication de laquelle il se donne à cœur joie, et évite ainsi les anicroches personnelles…..

Je ne m’embarrasse pas à lui demander son avis, et prend tout en main, des affaires qui semble de l’intérêt commun, comme l’installation dans les gîtes, la cuisine et l’alimentation, voir la direction à prendre. Mais je lui réserve sa part de travail, jusqu’à ce qu’il y satisfasse.

Je visite Sorde l’Abbaye par un après midi ensoleillé. C’est un village charmant auprès duquel coulent le gave d’Oloron et à proximité celui de Pau, actuellement lieu de remontée des saumons, de l’atlantique.  Les reliefs de l’abbaye dominicaine mérite une étude appuyée, et beaucoup de respect pour le travail accompli.

Pendant que je m’occupais comme tous les soirs de mes pansements, Jean, le trésorier de l’association des amis de St Jacques me rend visite au gîte. Nous avons tenu une sérieuse discussion portant sur l’accueil, le marquage sur les itinéraires,et l’état des chemins dans les Landes. Cette démarche dénote l’intérêt que porte le conseil général sur l’image du département au travers la fréquentation du chemin de St Jacques.

Demain, le lundi 20 juin, j’atteindrai Bergouey, distant de 20 Km. Je comptais m’arrêter à Arancou, petit village avant Bergouey, pensant y trouver gîte et couvert. Aussi, après être parti dès 7h30, sans réveiller le couple belge, j’ai pris la campagne en traversant le gave d’Oloron. L’au était translucide, les galets de montagnes avaient remplacé les pierres et gravillons des rivières et rus des campagnes landaises. Au loin, dans un méandre de végétation verdoyante du gave se dessinait le clocher de l’église de Peyrehorade. Au loin, s’avançait la chaîne des Pyrénées, dans un changement de paysage radical. Les valons se succédaient, accusant les montées et les descentes selon leur humeur, au gré des passages de multiples cours d’eau ; Dès les premiers pas, les plantations de kiwi annonçaient une autre sorte de terrain gras et fertile, parsemé de prairies souvent en coteaux, sur lesquelles paissaient des vaches mais aussi des chevaux de race anglo normande, dont l’ élevage est très florissant dans cette contrée. Cette étape a sollicité des jarrets et des cuisses pour avancer d’un vallon à un autre. Je ne me demandais qu’à exercer mes jambes, fatigué des longues pistes des Landes, et du bitume. De ce côté-là, je fus servi en approche de la chaîne des Pyrénées, dont les montagnes se distinguaient nettement , le ciel étant d’une couleur bleu azur, et le soleil commençant à chasser les brumes matinales et à darder de ses rayons.

Arancou se présente, et me déçois tellement que j’en évite la visite de son église pourtant reconnue comme symbolique. Je me présente à la mairie, et une jeune femme me fait directement comprendre qu’il n’y a rien a attendre de son service pour déjeuner qu’un panier repas insignifiant et que si je refusais il suffisait que je prennes sur mes réserves, c'est-à-dire sur ce qui me reste de graisse….Fort mécontent de la réponse, je quitte la mairie fort déçu et fâché, pour me rendre à Bergouey où je ne m’attends à rien de plus comme hébergement et restauration.

A Bergouey, je prends contact avec la mairie qui m’annonce, Oh surprise, la disposition d’un gîte communal et la présence d’une boucherie pour achat de victuaille. Le gîte est un studio très confortable, et la charcuterie est en fait un laboratoire de charcuterie, auprès duquel je fais l’achat de cochonnailles pour le midi et le soir. A l’entrée du village, je suis accueilli par le maire, qui me met à l’aise sur les dispositions de son village et me recommande au charcutier traiteur. Ce dernier, Daniel Oyharçabal, élève des porcs de gascogne, et transforme leur viande bio dans son laboratoire avec l’aide d’un jeune employé. En fait, c’est Anne Lyse, son épouse qui se charge de me fournir en produits alimentaires fait maison: saucisses, chipolatas, côte de porc, pâté en boîte, et naturellement lait de vache frais, pain, fromage de brebis et café, dont le prix fort intéressant ne comprend pas le sourire, le sens de l’accueil, et le temps passé à expliquer le travail du charcutier traiteur biologique. Le jeune employé en action ce jour là m’explique la technique de confection des saucisses et chipolatas, et l’usage exclusif de boyaux de moutons et de porcs. Enfin, il faut bien déjeuner et c’est moi qui cuit tout cela.

Pendant l’après midi je n’ai pas de difficulté à me diriger dans Bergouey, la population reconnaît le pèlerin arrivé ce matin, lui parle, le dirige ; et le laisse pénétrer dans les fermes.

Le lendemain dernière étape vers St Palais, distant de 16 Km. Je dois traverser la Bidouze, rivière, d’eau claire, peuplée de truites des pyrénées. Sa traversée sera interdite pour raison de forage des structures du  seul pont vieux du 18ème siècle, en vue d’un élargissement de sa chaussée. Mais ce n’est pas connaître le marcheur, qui la veille, se rend sur place, prend contact avec le chef d’équipe et en ressort avec la certitude que lui seul traversera le lendemain. En fait un autre service sera aussi bénéficiaire de ce droit de passage, se sera la boulangère….Aussi, je rencontre lors de mon départ le chef de chantier et nous plaisantons sur la Bidouze, avant de prendre la route. St Palais est vite à notre portée, et je me dirige vers le syndicat d’initiative, pour les informations habituelles. Je rencontre les hospitaliers de la maison Franciscaine où je dois loger avant de me rendre vers St jean Pied de Port.

Pour notre séparation, je déjeune avec l’espagnol au restaurant dont il acquitte la note, avant de prendre le car pour Bayonne puis le train pour Barcelone. Me concernant, la suite sera une autre histoire.

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  Jean

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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